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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/175

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foules, il le sait mieux que personne jamais. C’est là qu’il a parfois trouvé la grandeur. Et cela n’est pas étonnant : les foules sont toutes physiques, dans leur action d’ensemble ; les pensées, en ce moment de l’action, ne leur arrivent qu’à l’état de sensations et d’images, elles subissent les impressions physiques de la chaleur que leur agglomération même accroît, elles anéantissent l’individu pour n’en plus faire qu’une de leur cent mille voix, — elles sont des synthèses de mouvantes impressions. L’aptitude naturelle de la formule naturaliste à rendre le physique, et ce qu’a gardé M. Zola de son éducation romantique le préparaient donc tout spécialement à être le plus merveilleux peintre des foules. — Mais il y a autre chose, sous la sensation sociale, que le grand cri et le grand geste momentanés de la multitude ; ce moment n’est que le dernier période et l’éclat d’une crise. Il y a quelque chose de plus important que la crise : il y a ce qui la précède et la prépare, il y a la formation latente et lente de la pensée commune, il y a la vie occulte et très forte de l’âme populaire. Cette vie, M. Zola ne l’a pas rendue, et nul écrivain naturaliste ne peut la rendre parce qu’il y faudrait l’effort synthétique des trois formules littéraires que nous avons successivement étudiées, — la passion classique, le sentiment romantique et la sensation naturaliste[1].

  1. Un seul Poëte réalise parfois — encore imparfaitement