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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/179

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de la vie a sauvegardé celui de l’écriture, — point tout à fait, pourtant, et il faut avouer que, depuis Flaubert qui réalisa la perfection de la forme littéraire française (et qui put le faire parce qu’il n’était pas que naturaliste), ceux qui, pourtant, se réclament de lui ont étrangement ébréché et faussé l’outil admirable qu’il leur avait légué. Je ne parle point de M. de Goncourt et de M. Huysmans qui ont, au contraire, de très merveilleuses qualités d’écrivains. Je parle de M. Zola, de M. Maupassant et de ceux qui les imitent. Leur langue n’est pas littéraire : incorrecte, impropre, impersonnelle, pesante, banale, c’est la langue des journaux. Il faut que M. Zola ait bien du talent pour parvenir, parfois, à nous donner le sentiment de la grandeur avec un tel instrument ! — Un autre sentiment qu’il nous donne, par malheur, plus souvent, c’est celui de l’ennui, avec ses descriptions interminables, inutiles et que stérilise ce désir de rendre la vérité externe. Et quand il parle d’exprimer toute la vérité et se déclare l’héritier de Balzac, comment ne pas lui répondre : mais Balzac était un visionnaire ! mais Balzac croyait à une réalité intérieure du monde qu’il a créé, non pas copié ! Ce monde, c’est dans son imagination qu’il l’a vu et observé, bien plutôt que dans la vie, et c’est pourquoi il a bien plus de vérité que votre monde copié ligne à ligne et traduit mot à mot. Balzac et Stendhal — de même Dickens et