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le passant n’a pas de temps à perdre, ses affaires le réclament, il veut comprendre tout et sans délai, et il affirme que le premier des devoirs des Poëtes est de « se placer à son point de vue », de lui offrir des choses d’une assimilation prompte et facile, et qui n’aillent point lui bourreler l’esprit de trop graves pensées : « car, qu’est-ce que la littérature, sinon un délassement des gens instruits, une distraction d’après-dîner ?. . »

N’avez-vous jamais considéré avec un peu de mélancolie, dans les gares, cette bibliothèque des chemins de fer, laquelle, à l’en croire, réunit les chefs-d’œuvre de la littérature contemporaine ? Le format est commode, portatif, les lettres sont assez grosses pour ne pas fatiguer les yeux, le texte est assez clair pour ne pas fatiguer l’esprit : c’est le Roi des montagnes, par exemple, ou Le cas de M. Guérin, des choses aimables et « courantes », non sans le ragoût d’un peu d’ironie, juste assez pour donner au style ce coup de fouet qui le fait encore un peu plus vite « courir ». — Elle me semble très significative, cette bibliothèque des chemins de fer, congruente à merveille aux goûts d’un siècle qui, jugeant secondaires les besoins spirituels et pensant « gagner du temps » — dans quel but, hélas ! — à faire deux choses à la fois, ne veut plus lire qu’en « courant », et des choses « courantes » ; et le goût avec la nécessité des voyages augmentant toujours, elle a de l’avenir, cette bibliothè-