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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/251

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naturel et de très grand. Les gens, malgré l’horreur — maintenant — qu’ils ont pour la Beauté et surtout pour la Nouveauté dans la Beauté, ont compris malgré eux, peu à peu, le prestige d’une autorité légitime. Ils ont eu, eux-mêmes et même eux ! honte de leurs ineptes rires, et devant cet homme que ces rires n’arrachaient pas à la sérénité de son silence méditatif, les rires se sont tus, à leur tour subissant la divine contagion du silence. Même pour les gens, cet homme qui n’imprimait pas de livres[1] d’art personnel et que tous pourtant désignaient : « un poëte », devint la comme symbolique figure du Poëte, en effet, qui cherche à le plus possible s’approcher de l’Absolu. Et tel est bien, pour nous aussi les Poëtes, M. Mallarmé. Il est, dans l’Art, notre conscience vivante, le Maître difficile qu’on rêve de contenter. — Je disais qu’il ne faut point estimer son œuvre les poëmes publiés. Par eux il a, pour ainsi parler, prouvé qu’il pouvait comme un autre accumuler les livres qui mènent à toutes les académies et méritent le pleur ou le sourire d’un public — même d’élite[2].

  1. Il ne faut pas oublier que M. Mallarmé a publié Les Dieux de la Grèce et des volumes de linguistique anglaise et de traduction.
  2. … Ils pouvaient faire aussi sonner comme un tambour

    La servile pitié des races à l’œil terne…

    (Le Guignon, Stéphane Mallarmé.)