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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/298

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dans le silence solide de la peinture. Or, en ces jours que voici, héritiers de tant de jours, semble-t-il pas que le génie humain souffre d’un immense désir de s’échapper de lui-même ? Any were out of the world ! Cette plainte est de ce temps et c’est bien plus qu’une plainte : c’est la loi suprême de l’Art Suprême. Cet « en dehors du monde », c’est-à-dire « hors de l’espace et du temps », évoque le théâtre parfait où s’ébattra la Fiction enfin digne de son nom, celle qui sera vraiment feinte par l’homme et qui ne lui rappellera rien d’ici. Mais il n’y a que la musique pour franchir ainsi les bornes du monde, elle qui est une lumière spirituelle, elle qui, sans rien montrer, fait tout voir. Tout ensemble traduit-elle les aspirations dernières d’une humanité vieille, lasse de vivre et de l’horizon monotone, désirante vers l’infini, et à cette même humanité offre-t-elle les moyens de se rajeunir dans les réalités de l’impossible, dans la vie au delà de la vie, dans tout ce qu’on ne voit pas et qui vibre, promesse de surnaturelles clartés. — Quoi d’étonnant, donc, à une époque où il est impérieusement appelé par tous ces lointains, si l’Art se mire avec plus de complaisance en cette part de lui qui lui donne le plus sûr gage d’y parvenir ? Et puis ! la musiquesait tout, et même peindre : elle sait évoquer par des sons un paysage dans un rêve. La poésie, art sonore elle aussi, elle aussi ne peut peindre qu’avec des sons et il est tout naturel