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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/35

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III

Cependant la dignité des Poëtes, pour incommunicable qu’elle soit, n’est pas inviolable. Il est trop vrai qu’ils ont besoin d’être écoutés, qu’ils sont souvent tentés de faire des sacrifices aux sympathies hésitantes, possibles. Ils voudraient bien s’arranger du goût de la Cohue, obtenir les suffrages des Barbares. Mais enfin ce n’est plus permis : nul moyen désormais de mériter d’eux sans faillir à la Destinée. Les Publics sont des maîtres plus jaloux, plus arbitraires, hélas ! qu’un duc de Ferrare ou qu’un prince de Condé, moins nobles aussi, sans compter moins généreux. Il est dur, pour un artiste sincère, d’être pensionné par les abonnés des cabinets de lecture ou par les salles de spectacles. Les gens, poussés d’ailleurs par les courtisans du succès, sont descendus si bas — je l’ai dit, ne faut-il pas le répéter ? — dans l’élection de leurs préférences qu’il faudrait pour les contenter le génie même de l’ignominie. Et des dates sonnent, des signes se manifestent qu’on ne peut négliger. La Langue, la bonne langue française, est devenue, dans les bouches contemporaines, un jargon sans presque plus rien du génie originel ; c’est, peu s’en faut, parler une langue morte que parler purement et les gens disent : ennuyeusement. D’autre part, les formules littéraires