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Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/177

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« J’ai fait rôtir ce poulet et ce canard à la manière européenne ; vous me direz s’ils sont à votre goût. »

En effet, tout était excessivement bien préparé ; le poisson surtout était exquis.

« Good brandy ! » me dit le roi en anglais, les seuls mots de cette langue qu’il connût, en me montrant une bouteille de cognac.

« Prenez et buvez. »

On me servit des gelées et des fruits confits exquis, des bananes du Cambodge et des mangues excellentes, puis le thé, que le roi prit avec moi en m’offrant un cigare de Manille. Enfin, il plaça une boîte à musique sur la table et la fit jouer.

Le premier air qui en sortit me fit un plaisir d’autant plus grand que je ne m’attendais pas à l’entendre dans le palais d’un roi… régnant. C’était la Marseillaise. Le roi prit mon mouvement et mon sourire d’étonnement pour de l’admiration.

« Connaissez-vous cet air ?

— Un peu, Sire. »

Puis vint un autre, non moins bien connu, l’air des Girondins : « Mourir pour la patrie ! » etc.

« Le connaissez-vous aussi ? » me dit-il.

J’accompagnai l’air avec les paroles.

« Et Votre Majesté, comment aime-t-elle cet air ?

— Un peu moins que le premier ! Les souverains de l’Europe font-ils jouer souvent ces deux airs ?

— Sire, ils les réservent, comme choses solennelles, pour les grandes circonstances seulement. »

Mon Annamite était à côté de moi et remplissait les fonctions d’interprète avec un tact parfait qui