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Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/256

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l’Orient qui a conçu une pareille œuvre, en a coordonné toutes les parties avec l’art le plus admirable, en a surveillé l’exécution de la base au faîte, harmonisant l’infini et la variété des détails avec la grandeur de l’ensemble et qui, non content encore, a semblé chercher partout des difficultés pour avoir la gloire de les surmonter et de confondre l’entendement des générations à venir !

Par quelle force mécanique a-t-il soulevé ce nombre prodigieux de blocs énormes jusqu’aux parties les plus élevées de l’édifice, après les avoir tirés de montagnes éloignées, les avoir polis et sculptés ?

Lorsqu’au soleil couchant mon ami et moi nous parcourions lentement la superbe chaussée qui joint la colonnade au temple, ou qu’assis en face du superbe monument principal, nous considérions, sans nous lasser jamais ni de les voir ni d’en parler, ces glorieux restes d’une civilisation qui n’est plus, nous éprouvions au plus haut degré cette sorte de vénération, de saint respect que l’on ressent auprès des hommes de grand génie ou en présence de leurs créations.

Mais en voyant, d’un côté, l’état de profonde barbarie des Cambodgiens actuels, de l’autre, les preuves de la civilisation avancée de leurs ancêtres, il m’était impossible de voir dans les premiers autre chose que les descendants de Vandales, dont la rage s’était exercée sur les œuvres du peuple fondateur, et non la postérité de celui-ci.

Que n’aurais-je pas donné pour pouvoir évoquer alors une des ombres de ceux qui reposent sous cette terre, et écouter l’histoire de leur longue ère de paix