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Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/56

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car dans les dernières guerres contre les Laotiens et les Annamites, les guerriers de Siam eurent d’abord pour chef un frère cadet du roi, revêtu des fonctions de kromlu-ang, et, après lui, un général indigène dont le nom m’est inconnu. C’est cette même erreur qui a donné naissance au bruit généralement répandu en France qu’il y a deux rois à Siam, celui de la paix et celui de la guerre. Le droit de faire la guerre ou de conclure la paix appartient au premier roi seulement. Les deux collègues couronnés sont en ce moment frères consanguins ; mais la médisance prétend que leur position difficile a considérablement refroidi entre eux l’affection fraternelle. En effet, le second roi ne se rend chez le premier que dans les occasions où il lui est impossible de faire autrement. Et comme il est l’héritier désigné du trône, il ne prend peut-être pas aussi grand intérêt à la santé de son frère que l’exigeraient les liens du sang. Tout ce que je sais du second roi, c’est que, non moins instruit que son frère, parlant admirablement l’anglais et le français, aimant l’Europe et sa civilisation, il possède à un bien plus haut degré que son aîné le sens pratique des choses, l’esprit d’organisation et les facultés administratives, et que, sentant fort bien sa supériorité sur ce point, plus que personne il gémit de là mauvaise direction des affaires. En définitive, cultivant les arts, les lettres, aimant les chevaux, et en élevant de fort beaux, il a les goûts et l’existence d’un grand et riche seigneur européen[1].

  1. Ce prince est mort depuis la première publication de ce récit. Nous ignorons s’il a été remplacé dans ses fonctions honorifiques.