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Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/73

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à celui d’une ruche. C’est la plaie des pays tropicaux ; mais c’est ici particulièrement qu’ils pullulent d’une manière effrayante, à cause des marécages immenses, de la vase et du limon que les eaux, en se retirant, laissent à découvert et où la chaleur du soleil en fait éclore en peu de temps des nuées. Mes jambes surtout étaient une chair vive.

Le 23 octobre, j’arrivai à Ajuthia, et mes deux rameurs me conduisirent directement chez l’excellent P. Larnaudie, missionnaire français, qui m’attendait. Je fus parfaitement bien reçu par ce bon prêtre, qui mit à ma disposition, pour le temps que je désirais, ce qu’il avait de mieux à offrir, c’est-à-dire sa petite maison de bambou.

Le bon père est aussi naturaliste et chasseur dans ses moments de loisir ; il voulut bien de temps en temps m’accompagner, et, tout en courant les bois, nous parlions du charmant pays de France. Après une longue chasse ou une promenade en bateau, nous rentrions à la case, où nous trouvions notre repas préparé par les soins d’un artiste qui excelle dans la cuisine siamoise, que la fatigue nous faisait apprécier peut-être plus que de droit. Du riz avec une omelette ou du poisson cuit au « carry, » des tiges de bambous, des haricots crépus et autres légumes sauvages entraient dans la composition de nos menus avec des poulets pour rôti ou du gibier quand la chasse avait été fructueuse. Trois poulets se vendaient un « fuand » (trente-sept centimes).

Ajuthia est aujourd’hui la seconde ville du royaume. Comme elle est presque entièrement située sur les bords d’un canal qui relie le principal fleuve à un