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Page:Mouhot - Voyage dans les royaumes de Siam, de Cambodge, de Laos et autres parties centrales de l'Indo-Chine, éd. Lanoye, 1868.djvu/94

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Jusqu’à présent, ma santé est restée excellente ; je ne me suis jamais mieux porté, même dans le nord de la Russie. Depuis l’arrivée des vaisseaux anglais et d’autres navires européens à Bangkok, tout y a doublé de prix ; néanmoins, tout est encore ici à très-bon marché relativement aux prix d’Europe. Je ne dépense pas plus d’un franc par jour pour mon entretien et celui de mes hommes. Le peuple vient en masse pour voir mes collections, et il ne peut s’imaginer ce que je puis faire de tant d’animaux et d’insectes.

Quel contraste entre cette nature-ci et celle de notre Europe ! Comparé à ce globe enflammé, à ce ciel étincelant, que notre soleil est pâle, que notre ciel est froid et sombre ! Qu’il est doux, le matin, de se lever avant ce soleil éclatant ! Et qu’il est plus doux encore, le soir, de prêter l’oreille à ces mille sons, ces cris stridents et métalliques, qui s’élèvent de tous les points du sol, comme si une armée d’orfèvres et de batteurs d’or étaient à l’ouvrage ! De silence, de repos, nulle part ; partout et toujours on ne voit, on n’entend que le bouillonnement de la vie dans cette nature exubérante.

Je reste étonné chaque fois que je vois de petits bambins de deux à trois ans dirigeant des barques de toute dimension et nageant et plongeant sans cesse au milieu de ce fleuve rapide et profond comme une mer. Répétons-le, ils vivent en amphibies. Je m’amuse souvent à voir ces petits êtres fumer mes bouts de cigares, pour lesquels ils courent après les papillons qu’ils m’apportent sans les endommager.

J’ai découvert, chemin faisant, cette espèce d’a-