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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/103

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les traînards d’une armée en déroute. Vous compreniez alors que vous aviez interrompu son discours, ce qui est toujours désagréable. Le public de Serang, le chef-lieu, — du moins la partie du public qui, n’étant pas au service du gouvernement, s’exprimait avec plus de liberté, — qualifiait son style de filandreux. Ce mot malsonnant, il me faut le reconnaître, caractérisait assez bien le genre d’éloquence du préfet.

Je n’ai encore rien dit de Max Havelaar et de sa femme, — car c’étaient là les deux personnes qui, après le préfet, descendirent de la voiture avec l’enfant et la bonne, — et peut-être suffirait-il d’abandonner la description de leur extérieur et de leur caractère au cours des événements, ou à l’imagination du lecteur. Mais puisque je suis en train de décrire, je vous dirai que, sans être jolie, Madame Havelaar avait néanmoins dans son regard et son langage, un charme invincible. À l’aisance de ses manières on voyait qu’elle avait fréquenté le monde, et qu’elle appartenait aux classes supérieures de la société. Elle n’avait pas cette raideur et ce manque de grâce, qui caractérisent la bourgeoisie, cette bourgeoisie qui, gênant les autres, se met elle-même à la gêne, sous prétexte de distinction ; enfin, elle se moquait absolument du qu’en dira-t-on, se souciant fort peu des apparences dont tant d’autres femmes se rendent les esclaves. Aussi sa mise était-elle exemplaire. Une robe de mousseline blanche, à cordelière bleue — genre peignoir, en Europe — formait tout son costume de voyage. Autour de son cou, elle portait une étroite ganse de soie à laquelle étaient attachés deux petits médaillons, cachés sous les plis de son corsage ; dans ses cheveux à la chinoise, s’entremêlait une légère guirlande de jasmin… Voilà pour sa toilette.