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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/16

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un objet quelconque, et l’on fuit au bout du monde — mais, le monde n’a pas de bouts, et cet amour-là n’est qu’une sottise.

Nul ne dira que je vis mal avec ma femme — c’est une fille de Last et Co, commissionnaires en cafés, — on n’a jamais trouvé rien à redire à notre mariage. Je suis membre souscripteur du jardin zoologique Natura Artis Magistra, (La nature est la maîtresse de l’art,) ma femme a un châle long de deux cents francs, et pourtant, il n’a jamais été question entre nous d’un amour ayant absolument besoin de se loger au bout du monde.

Notre mariage accompli, nous avons fait une petite excursion à La Haye. Là, elle a acheté de la flanelle, et m’en a fait des gilets que je porte encore ; jamais l’amour ne nous a poussés plus loin.

Sottises et mensonges, vous le voyez bien.

Et mon mariage est-il moins heureux que celui des insensés qui se rendent phthisiques ou chauves, par amour ? Mon ménage serait-il mieux règlé, si, jadis, il y a dix-sept ans, j’avais dit en vers, à ma fiancée, que je désirais l’épouser !

Allons donc ! J’aurais pu faire tout cela aussi bien que n’importe qui ; faire des vers est un métier, certes, moins difficile que celui de tourneur en ivoire. S’il n’en était pas ainsi, comment les papillotes à devises seraient-elles si bon marché, — Frédéric écrit papillottes, avec deux t, je ne sais pas pourquoi. — D’autre part, allez demander le prix d’un jeu de billes de billard !

Je n’ai rien contre les vers, en eux-mêmes. Veut-on aligner des mots ? qu’on le fasse, mais qu’on ne dise que la vérité tout comme en prose.