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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/169

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père a dû travailler rudement, tous les jours de sa vie, pour te donner à manger, et pour manger lui-même. Ceci, du reste, n’est que l’exacte vérité. Lève tes yeux au ciel, et tâche de devenir un commissionnaire distingué, pour que je vive tranquille le jour où je me retirerai à ma campagne de Driebergen. Regarde tous ces gens qui ne veulent pas écouter les bons conseils, qui foulent au pied la religion et la morale, et mets-toi au-dessus de ces gens-là ; mais ne va pas te croire l’égal de Stern dont le père est immensément riche, et qui en aura toujours bien assez, même en refusant de devenir commissionnaire, et en faisant une sottise de temps à autre. Le mal est toujours puni. Sois en sûr. Jette encore les yeux sur l’Homme-au-châle, tu verras qu’il n’a point de pardessus d’hiver et qu’il a tout l’air d’un comédien crotté. Quand tu es à l’Église, écoute avec attention, et ne danse pas sur ton banc, en retournant la tête à droite et à gauche, comme si tu t’y ennuyais mon garçon, que diable veux-tu que Dieu pense de ça ! l’Église est son sanctuaire, vois-tu bien ! Et quand c’est fini, n’attends pas les jeunes filles à la sortie. Il n’y a plus d’édification possible, à ce compte-là.

Ne fais pas non plus rire Marie quand, au déjeuner, je lis les Écritures Saintes. Tout cela est inconvenant dans un ménage comme il faut. Tu as, aussi, dessiné des charges sur l’appuie-main de Bastien, qui n’était pas arrivé, par la faute de sa goutte ; cela distrait les employés du bureau, et ils ne font pas leur ouvrage. Il est écrit dans le verbe de Dieu que de pareilles folies mènent à la perdition, l’Homme-au-châle fit de ces choses-là, dans sa jeunesse ; étant encore un enfant, il a battu un pauvre diable de