Aller au contenu

Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tenant compte de mon mutisme absolu de toute la journée, maintenant que je me décidais à parler, je me croyais en droit d’exiger mieux que les sottes réponses de Si Oepi Keteh.

Il me vint une idée.

Je vais lui raconter quelque chose, me dis-je. J’écouterai en même temps qu’elle, et je n’aurai pas besoin qu’elle me réponde. Vous savez, n’est ce pas, que lorsqu’on décharge un navire, le ballot de sucre, embarqué le dernier, en sort le premier. Eh bien ! nous autres aussi, nous déchargerons le conte ou l’histoire que nous avons embarquée, en dernier lieu.. Je venais de lire, dans la Revue des Indes Hollandaises, un conte de Jeronimus, intitulé : Le tailleur de pierres javanais. Ce Jeronimus, croyez moi, a écrit des choses charmantes. Avez-vous lu sa Vente publique dans une maison mortuaire ? Et ses Tombes ? et surtout : La charrette de Java ? Je vous donnerai tout cela.

Donc, je venais de lire : Le tailleur de pierres javanais… Ah ! tenez, maintenant je me rappelle comment je me suis lancé à corps perdu dans ce petit poëme où je laissais errer, assez follement du reste, l’œil inquiet de mon jeune pêcheur. Enchaînement d’idées, pas autre chose qu’un enchaînement d’idées ! Mon énervement, mon exaspération provenaient, ce jour là, du danger qu’on court dans la rade de Natal… Vous savez, mon ami, que pas un vaisseau de guerre n’ose y mouiller, surtout au mois de juillet… Oui, Declari, le vent d’ouest y fait rage en juillet, précisément en sens inverse de nos parages. Eh bien, le danger qu’on courait dans cette rade maudite s’enchaînait aux froissements de mon ambition, et cette ambition se reliait à son tour au poëme de