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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/21

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qu’il faut que cela soit ainsi. Je ne puis l’aider, moi, — nous avons bien assez de payer tous les jeunes employés qui s’occupent de nos nombreuses affaires, — mais si je le pouvais, si Lucas était à même, dans ses vieux jours, de mener une vie facile, où serait son mérite ? Alors tous les garçons de magasin et tous les autres hommes deviendraient des gens vertueux ! Est-ce pratique et croyez-vous que ce soit dans les intentions de Dieu ? Non, puisqu’il n’y aurait plus de récompense particulière, réservée aux honnêtes gens, après leur mort.

Sur la scène on prend cela, à rebours, et l’on ment.

Je suis vertueux aussi, et, du diable, si je demande une récompense pour cela ? Quand mes affaires marchent, — et elles marchent, − quand ma femme et mes enfants se portent bien, de manière que je n’aie affaire ni au médecin ni au pharmacien ; quand bon an mal an, je puis mettre quelques économies de côté, pour le jour où Frédéric viendra me remplacer, et où je me retirerai à ma campagne de Driebergen,… eh bien !… quand il en est ainsi, je suis content. C’est la conséquence naturelle des circonstances et de mon travail ; mais je n’exige rien pour ma vertu.

Et je suis vertueux, quand même. La preuve en est dans mon amour pour la vérité. Après mon attachement à la foi, cet amour là est mon inclination principale.

Je désirerais que vous fussiez convaincu de tout ce que j’avance, lecteur, parce que là se trouve la raison de ce livre.

Une autre passion dominante, chez moi, c’est l’amour de ma profession. Comme vous le savez, lecteur, je suis commissionnaire en cafés, Canal des