Aller au contenu

Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/217

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Bah ! ça, c’est tricher ! s’écria Declari. Nous voulons savoir pourquoi vous avez volé ce dindon.

— Eh ! bien ! mais… parceque j’avais faim !… et cela par la faute du Général Vandamme qui m’avait suspendu.

— Si je n’en apprends pas davantage, la prochaine fois j’apporterai moi-même une omelette ! s’écria Dipanon d’un ton lugubre.

— Croyez-moi, il n’y avait pas autre chose là dessous. Il avait beaucoup de dindons, et moi, je n’en avais pas un seul ! On faisait passer ses bêtes devant ma porte, j’en empoignai une et je dis au gardien, ou du moins à l’individu qui était chargé de les garder : mon ami, dites, je vous prie, au Général, que, moi, Max Havelaar, je vole ce dindon parceque je veux le manger.

— Et l’épigramme que vous fîtes contre lui ?

— Dipanon vous en a donc parlé ?

— Oui.

— Elle n’avait rien de commun avec le dindon. Je n’agis de la sorte envers le général que parce qu’il venait de suspendre un tas de fonctionnaires. Rien qu’à Padang, il en avait suspendu sept ou huit, avec tout autant de justice. Plusieurs d’entr’eux le méritaient bien moins que moi. Le sous-préfet de Padang y avait passé aussi, et par une tout autre raison que celle mentionnée dans le décret. Je veux bien vous raconter la chose, sans vous la garantir le moins du monde. Je n’en sais absolument que ce que l’on se racontait dans le pays ; c’étaient les cancans de l’endroit, les propos tenus à l’église chinoise, le tout Paris de Padang. Mais, ma foi, vue prise des faits et gestes, des qualités et habitudes connues du général, cela pouvait être vrai de point en point.