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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/248

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faire subir un interrogatoire, qui ne se termina pas bien pour lui, car il revint sur ses pas, et s’en alla plus lentement qu’il n’était arrivé.

— Je le regrette bien, s’écria Tine ; cet individu là avait peut-être des légumes ou des poules à vendre, et je n’ai rien encore dans la maison.

— Eh mon Dieu ! ma chère, fit Havelaar, de quoi vas-tu te préoccuper. Envoie vite quelqu’un en acheter. Tu sais bien que les dames de ce pays-ci aiment à faire des embarras. Autrefois, le mari de madame Sloterin était le premier personnage de la localité ; et, bien qu’un sous-préfet ne soit pas le premier moutardier du pape, c’est un petit roi dans son district. Cette pauvre femme n’a pas encore pu se faire à l’idée d’être descendue de son trône. Ne lui ôte pas le seul petit bonheur qui lui reste. Aie l’air de ne pas t’apercevoir de son manège, et tout sera pour le mieux.

Ce ne fut pas un grand sacrifice pour Tine ; elle n’aimait pas à exercer ses droits de petite souveraine.

Ici une digression devient inévitable, et je veux en profiter pour digresser sur les digressions, en général.

Parfois, il est difficile à un écrivain de louvoyer entre deux écueils ; parfois il en dit trop, et souvent trop peu ; et cette difficulté-là ne fait que croître et embellir quand il lui faut décrire des situations qui placent le lecteur sur un terrain inconnu.

Il y a trop de rapport entre les lieux et les événements, pour qu’on puisse se passer, tout-à-fait, d’une description locale.

La difficulté, de ne pas se briser contre l’un ou l’autre de ces écueils, redouble pour l’auteur dont la pièce se passe aux Indes.