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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/251

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qui tenait à captiver ses lecteurs par un choix artistique de nuances, et non par de grossières couleurs jetées sur sa toile, qui dédaignait de tremper son pinceau dans la boue et dans le sang, ne fit qu’effleurer ce lac fangeux, et ne s’en servit que comme d’une ombre destinée à faire ressortir les rayons de ses écrits immortels.

Celui qui pense qu’on peut supprimer ces nuances, qui les considère comme superflues, celui-là perd complètement de vue que, pour arriver à l’effet, il faut suivre l’École de 1830, cette école qui a fait époque en France.

Il me faut, toutefois, reconnaître, à l’honneur de ce pays, que les écrivains de cette école, ceux qui ont le plus froissé le bon goût, se sont vu encore plus apprécier à l’étranger que dans leur propre patrie.

Cette école, qui, je l’espère, est bel et bien finie, anéantie, noyée, engloutie, trouvait facile de tremper son pinceau dans le sang, et d’en éclabousser son tableau.

Cela se voyait de si loin !

À tout prendre, n’est-il pas plus commode de tracer de grosses lignes, pleines de noir et de rouge, que de rendre délicatement sur sa toile la finesse des traits, qui se rencontrent dans le calice d’une tulipe ?

C’est pour cette raison que la susdite école prenait le plus souvent pour ses héros des rois, et pour époque, la minorité des peuples. Remarquez le, la tristesse du roi se traduit par les lamentations de son peuple… sa colère fournit à l’auteur l’occasion de massacrer des milliers d’hommes, sur un champ de bataille… ses fautes amènent sous sa plume la description d’une famine ou d’une peste… Ce n’est