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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/335

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Lorsque je fais suivre ce buffle volé, par son propriétaire, accompagné de ses enfants en larmes, lorsque je les montre assis sur la dernière marche de la demeure du ravisseur, muets, hors d’eux-mêmes, désespérés, lorsque je les fais chasser de là avec force outrages, injurier et menacer de bambous ou de réclusion… croyez le bien… je n’exige ni ne puis demander que vous soyez aussi ému, aussi indigné — ô Hollandais ! — que si je mettais sous vos yeux le tableau navrant d’un paysan à qui on viendrait de voler sa vache.

Je ne réclame pas une larme pour les larmes qui coulent sur des visages si bronzés ; loin de moi l’idée d’exciter en vous une colère généreuse quand je vous parlerai de ces malheureux dépouillés.

Je ne m’attends pas à ce que, mon livre à la main, vous bondissiez, et vous alliez trouver le Roi pour lui dire : » Sire, regardez ce qui se passe dans votre empire, dans votre bel empire des Indes… d’Insulinde ! »

Non, mille fois, non… Je ne m’attends à rien de tout cela.

Il y a trop de douleurs, qui vous sont voisines, et vous émeuvent, pour que vous éprouviez la moindre commisération pour des douleurs si lointaines !

Hier, la Bourse n’a-t-elle pas baissé !

Cette baisse ne menace-t-elle pas tant soit peu d’écraser le marché des cafés !

— Au nom du ciel ! assez ! n’écrivez pas des folies pareilles à votre père, Stern !.. me suis-je écrié, et peut-être même l’ai-je crié avec emportement ! Souffrir qu’on mente de la sorte m’est impossible ! Ce soir-là, j’ai écrit au vieux Stern qu’il eût à me donner rapidement ses ordres, et qu’il se tînt en garde contre les fausses nouvelles.