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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/350

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Le père de Saïdjah alla vendre ce poignard à un chinois, qui demeurait au chef-lieu, et il rapporta cinquante francs, avec lesquels il acheta un autre buffle.

Saïdjah, alors, âgé de sept ans environ, se lia d’une tendre amitié avec l’animal. Quand je dis : amitié, je ne vais pas trop loin ; c’est, en effet, une chose touchante que de voir combien le buffle javanais s’attache au petit garçon qui le garde et le soigne. La grande et forte bête courbe sa lourde tête, il la fait aller à droite, à gauche, au simple toucher de l’enfant qu’il connait, qu’il comprend, et avec lequel il a grandi.

Le petit Saïdjah sut, en peu de temps, inspirer pareille amitié au nouvel hôte de sa famille ; la voix caressante de l’enfant avait l’air de doubler la vigueur de ses reins robustes ; et, vraiment, lorsqu’il l’entendait, l’animal traçait un sillon plus profond dans l’argile solide et résistant.

Lorsqu’ils arrivaient à l’extrémité du champ, le buffle se retournait docilement, et sans perdre un pouce de terrain, il traçait un sillon parallèle, et régulier, de telle sorte que le terrain labouré finissait par ressembler à un jardin potager, ratissé par un géant.

Près de là s’étendaient les champs du père d’Adenda, la fillette, qui, au dire des deux familles, était destinée à devenir un jour la femme de Saïdjah.

Aussi, quand les petits frères d’Adenda arrivaient à la ligne de démarcation, séparant les champs paternels, s’ils apercevaient de l’autre côté Saïdjah suivant sa charrue, ils ne manquaient jamais de l’appeler. Saïdjah répondait, et alors, c’était à qui vanterait le plus la force et la docilité de son buffle.