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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/447

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Max Havelaar était un livre réellement intéressant !

On le disait.

On le répétait.

Et parmi ses prôneurs, il se trouvait des gens qui auraient poussé des cris de terreur, et de désespoir au moindre danger couru, je ne dis pas par leur propre personne, mais par une partie minime de leur prospérité, et de leur situation !

La plupart de mes lecteurs semblaient croire que je nous avais exposés, moi et les miens, à la pauvreté, à l’humiliation, à la mort même, tant simplement dans le but de leur procurer une lecture amusante !

Cette erreur… !

Mais, en voilà assez, là-dessus ! Ce qu’il y a de certain, c’est que je n’avais pas le pressentiment d’une Lapalissade pareille, d’une naïveté si cruelle, quand je m’écriais joyeusement :

Mon livre est fini !
Mon livre est fini !

La conviction où j’étais d’avoir toujours dit la vérité, d’avoir toujours fait ce que j’écrivais, me fit perdre de vue que le public, lecteur, auditeur ou spectateur, s’était habitué à n’écouter que des balivernes, des palinodies, et des contradictions régulières entre le dire et le faire d’un auteur…

Cette conviction, me donna, en 1860, tout le courage nécessaire pour exécuter la tâche pénible, qui consistait à écrire Max Havelaar.

Mais, aujourd’hui, quinze années se sont écoulées, et je vois clairement que la nation se range du côté des Duymaer Van Twist et consorts, c’est-à-dire, du côté du brigandage, de la rapine, et de l’assassinat, prenant parti contre moi, qui représente le droit, l’humanité, et une politique intelligente.

Aujourd’hui, il m’est mille fois plus pénible qu’en 1860 de m’occuper de ces corrections, quoique déjà à ce moment-là une amertume douloureuse menaçât plus d’une fois d’envahir mon âme.

Par-ci, par-là, tome I, page 152 par exemple, malgré tous mes efforts, je ne pus l’empêcher de se faire jour.

Ajoutez au chagrin d’un insuccès continuel de tant d’efforts, la douleur causée par la perte de celle qui accepta héroïquement à mes côtés la lutte contre le monde, de celle qui ne sera pas là, quand sonnera l’heure de la victoire.

L’heure de la victoire ! oui, lecteur, l’heure du triomphe !

Que cela vous étonne ou non, je vaincrai !

En dépit de l’artifice, et de l’escroquerie, en dépit de la mauvaise