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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/73

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lourdement chargée, vole au grand galop. Le cocher, cloué sur son siège, reste des heures, oui, des journées entières, sans bouger ; il agite d’un bras de fer son fouet de plomb. Il sait calculer exactement où et comment il lui faut retenir ses chevaux courant à toutes brides pour tourner un angle, après une descente, exécutée ventre à terre…

— Mon Dieu ! nous courons… à l’abîme ! s’écrie le voyageur inexpérimenté, il n’y a pas de chemin là… c’est le gouffre !

Oui, en apparence… c’est bien le vide. La route se courbe, se tortille, se replie et au moment même où un saut de plus vous lancerait dans le vide, les chevaux se jettent de côté, entrainent le véhicule, dans la courbe de la route, et volent vers une hauteur, invisible un instant auparavant… évitant l’abîme, qui s’éloigne, derrière vous.

Il y a des moments, où la voiture ne porte que sur les roues du côté intérieur de la courbe, la force centrifuge soulevant du sol les roues extérieures. Il faut du sang-froid pour ne pas fermer les yeux ; et celui qui en est à son premier voyage, à Java, écrit à sa famille, en Europe, que sa vie a couru un péril extrême. Mais, les indigènes et les habitués de la route, n’y font même plus attention.

Lecteur, mon intention n’est pas, surtout au début de mon récit, de vous fatiguer, en vous décrivant, par le menu, les paysages, ou les monuments. Je crains trop de vous effrayer par ce qui pourrait ressembler à de la prolixité ; plus tard, quand, vous sentant gagné, je lirai, dans votre regard et votre maintien, que vous vous intéressez au sort de l’héroïne, qui se précipite du haut d’un quatrième étage ; alors, avec un mépris audacieux des lois de la pesanteur, je la laisserai