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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/84

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jouissant d’un revenu annuel de quatre à six cent mille francs. À cela contribuent en grande partie l’indifférence quasi-royale avec laquelle ils gaspillent l’argent, leur négligence à surveiller leurs subalternes, leur manie d’acheter, et surtout l’abus que font les Européens de ces habitudes-là.

On peut diviser les revenus des chefs javanais en quatre catégories. D’abord, leur revenu mensuel ; en second lieu, une somme fixe allouée comme indemnité pour les droits transmis au gouvernement hollandais ; troisièmement, une rétribution proportionnelle aux produits marchands de leur régence, tels que le café, le sucre, l’indigo, la canelle, etc. ; enfin, leurs prélèvements arbitraires sur le travail et les propriétés de leurs subordonnés.

Les deux dernières sources de revenus demandent à être expliquées. Le Javanais naît agriculteur ; le sol natal lui demande peu de travail pour produire une abondante récolte, et l’invite à l’agriculture. Aussi l’indigéne s’adonne-t-il de cœur et d’âme à ses champs de riz, et excelle-t-il à les cultiver. Il grandit au milieu de ses sillons ; tout jeune, il accompagne déjà son père aux champs, où il l’aide à bêcher, à labourer, à élever des digues, et des aqueducs d’irrigation. Le Javanais compte ses années d’après ses moissons ; il mesure le temps sur la nuance de ses blés ; il se sent en famille au milieu des compagnons qui fauchent le riz avec lui ; il prend femme parmi les filles du village qui le soir, en chantant, pilent le riz pour le faire sortir de sa gousse. L’idéal qui lui sourit est la possession d’une paire de bœufs qui tireront sa charrue… en un mot, la culture du riz est à Java, ce qu’est la vendange dans les Provinces Rhénanes, et dans le midi de la France.