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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/99

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enveloppant la voiture, comme un étui de cuir noir. Alors que les jardins zoologiques étaient des ménageries ambulantes, les lions et les tigres n’entraient pas dans les villes avec plus de réserve discrète. Cependant le carrosse ne renfermait pas de pareils hôtes ; mais la mousson de l’ouest sifflait, et on prévoyait la pluie.

Sortir d’une voiture, quand on y a été longuement cahoté, n’est pas aussi facile qu’on pourrait se l’imaginer. Pour avoir attendu trop longtemps, ces pauvres sauriens du monde fossile font partie intégrante de l’argile dans laquelle ils n’étaient certes pas entrés avec l’intention de rester. Il en est de même pour des voyageurs qui, pressés étroitement et gênés par leur position, ont été assis pendant de longues heures dans une voiture ; c’est quelque chose que je vous propose d’appeler : de l’assimilation. On ne sait plus exactement où finit le coussin de cuir et où commence le moi. Je vais jusqu’à croire que, dans une telle voiture, on peut avoir des crampes ou des maux de dents qu’on attribue au drap du carrosse.

Il est peu de circonstances physiques qui ne donnent lieu à tirer des analogies intellectuelles. Je me suis souvent demandé si beaucoup d’erreurs qui parmi nous ont force de loi, si beaucoup d’obliquités que nous croyons droites, ne proviennent pas de ce que nous avons passé trop de temps avec les mêmes compagnons de voyage, dans une même voiture ? La jambe qu’il vous fallait allonger, entre le carton à chapeaux et le panier de cerises… le genou qu’il vous fallait presser contre la portière, pour ne pas faire supposer à la dame d’en face que vous aviez l’intention d’attaquer sa crinoline ou sa vertu… les cors qui redoutaient tant les talons du commis-