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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/119

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LA TEUFELSGRAT

tenir trois quarts d’heure sur une marche étroite, exposé à des éclats de glace et à des flots de neige qui descendent vous geler les mains et les pieds au point de ne pas savoir si on pourra le supporter encore. À la vérité rien n’aurait pu me faire rester inactive aussi longtemps, sinon la certitude pleine et entière que j’avais, que se mouvoir eût été glisser. Aussi bienvenues étaient les assurances joyeuses qui venaient d’en haut. « Tenez encore un peu et tout ira bien. » Mais Burgener, n’étant pas encordé, ne pouvait donner aucun appui direct à mon mari et il se passa quelque temps avant que ce dernier pût revenir dans le couloir et remonter par des marches perfides à la neige au dessus. Quand la sécurité de la caravane fut de nouveau entre les mains de Burgener, je me mis à monter, alors que mon mari arrivait déjà sur l’arête. L’ordre de me détacher vint alors et la corde fut lancée à Andenmatten.

Après un regard hâtif à cet inoubliable couloir, nous nous portons en avant, quelque peu fatigués, escaladant, grimpant, ascensionnant les pointes, clochers et promontoires suspendus qui constituent l’arête. Comparativement à nos récents exploits, c’est facile et nos progrès deviennent rapides. Soudain, pourtant, notre chef s’arrête, et, bien que Burgener le presse de continuer, il refuse nettement ; après quelques instants il appelle Alexandre à la tête de la cordée. Je ne puis pas voir son visage, ordinairement si expressif, mais les mots « Herr Gott, unmöglich » « Mon Dieu ! C’est impossible « frappent mes oreilles, et je me hâte en avant pour voir quel nouveau péril nous attend.

Pour faire comprendre la position, il est nécessaire de décrire en détail la très curieuse formation du rocher. L’arête où nous sommes projette une puissante corniche