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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/138

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L’AIGUILLE DES CHARMOZ

encore avancer, et après un effort désespéré hisser sa tête et ses épaules au-dessus du bombement. « Wie geht’s » « Comment ça va ? » hurla Burgener. « Weder vorwärts noch zurück» « Ni en avant ni en arrière, » haletait Venetz, et, à une autre demande s’il pouvait aider Burgener à monter, il répliqua « gewiss nicht » « sûrement non ». Pourtant dès qu’il eut recouvré son souffle il renouvela ses efforts. Peu à peu ses jambes, travaillant par secousses spasmodiques, disparaissent de notre vue, et à la fin un juron de patois, un hissement de la corde, et Burgener avance et disparaît à son tour. Le sifflement des glaçons et autres petits fragments, et le souffle puissant des guides me faisaient savoir qu’ils avançaient. Burgener me crie de bien me mettre à couvert, de peur des pierres, mais, comme le rocher auquel je me tiens suffit seulement à me protéger le nez, les doigts et un pied, je trouve sage de descendre de la cheminée jusqu’à un rocher chaudement exposé, ce à quoi du reste, je suis vivement incité par l’état de mes orteils, qui, n’étant plus protégés par mes brodequins et par mes chaussettes depuis longtemps déchirées, ne sont pas du tout fâchés de changer le froid du rocher ou de la glace pour la bonne chaleur des rayons du soleil.

Bientôt un cri ému partit et une grosse pierre bondit dans l’espace, suivie bientôt d’un rauque jodel qui annonçait la conquête du couloir. Comme je réescaladais la cheminée, la corde vint me cingler en tombant à moi ; je m’y attachai aussi bien que cela m’était possible d’une seule main, car de l’autre je tenais un coin verglassé. Après avoir accompli cette importante opération, je commence l’ascension. Tout va bien dans les premiers mètres, puis les prises semblent devenir insuffisantes ; un effort désespéré pour y remédier ne réussit qu’à me faire nager