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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/150

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L’AIGUILLE DES CHARMOZ

Montenvers, qui en remplissent et en rendent insupportables les après-midi. Et ce n’est pas là un cas exceptionnel ; à Zermatt on peut fréquemment rencontrer, assez tôt dans la journée, des hommes qui ont gratuitement abandonné les retraites les plus belles et les plus secrètes des Alpes, telles que le Gabelhorn, le Rothhorn, ou d’autres pics semblables, pour se hâter vers quelque orchestre de cuivres, vers quelques minstrels nègres et autres amusements de cette station d’excursions. Le grimpeur sans guides n’agit pas ainsi ; rarement on peut le voir rentrer avant que la dernière lueur soit morte à l’horizon du couchant. C’est la nuit, et la nuit seule, qui le ramène aux lieux fréquentés par la foule des touristes. Cet amour de vivre dans la lumière des neiges supérieures est la pierre de touche de l’enthousiaste et le démarque de la race des vantards et des poseurs et de tous les « faiseurs d’ascensions ». Nous ne voulons pas dire que l’amour de la Montagne doit être considéré comme le premier des devoirs humains ou que la valeur morale d’un homme peut être déterminée par son heure habituelle d’arrivée à l’auberge ; mais bien, que cela seul distingue le montagnard, l’homme capable de sentir la beauté de toutes les variations de lumière ou d’ombre et de chercher la quintessence du Monde d’en haut, et que c’est là la caractéristique qui le sépare de ses imitateurs dégénérés et hypocrites.

Ma principale objection aux caravanes conduites par des guides est dans la manière certaine dont la journée se passera. Non seulement le guide est capable « de dépeindre de son lit chaque marche de la route », mais il peut encore, toujours de son lit, vous dire à une fraction de minute près le temps exact que vous mettrez à faire telle partie de l’ascension et le moment, précis, où il vous ra-