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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/216

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LA DENT DU REQUIN

comme s’il était très naturel à de fanatiques grimpeurs de prendre leurs aises à 5 h. 30 mat. et de jouir des douceurs d’une halte prolongée. La honte à la fin nous met sur pied et nous travaillons majestueusement les pentes de glace, chacun dans la caravane montrant la plus charmante et touchante modestie à ne pas se mettre en tête.

À 6 h. 10 mat., nous attaquons le rocher. Je me fourre peu judicieusement dans une cheminée, et j’ai le plaisir de voir le reste de la caravane, conduit par Collie, monter un peu à gauche, en toute facilité et gaîté. Après m’être tiré de cette cheminée, je suis les traces de la caravane. Quand je rejoins mes compagnons, ils me disent qu’ils m’attendent, mais l’abandon de leurs attitudes me fait penser qu’ils ne disent pas la vérité tout entière. Voyant quelques signes précurseurs du départ, je parle de déjeuner. Des applaudissements accueillent cette brillante idée, et tous, avec solennité, nous faisons semblant de manger. À la fin nous rebouclons le sac et grimpons pendant une autre demi-heure, puis nous revenons aux tas de boîtes de conserve. Nous décidons promptement que, puisque c’est la coutume de luncher à ce point, ce serait faire preuve de doctrines radicales, pour ne pas dire anarchistes, que de rompre une règle consacrée par le temps. Une fois de plus, et plus solennellement encore, nous nous asseyons pour consommer de la confiture de gingembre, du chocolat et autres pareils légers rafraîchissements. C’est avec ces inventions et d’autres que nous parvînmes à mettre notre marche d’accord avec notre manque d’entraînement, et ce ne fut pas avant 8 h. 50 mat., que nous atteignîmes l’arête.

Il nous fallait maintenant attaquer une cheminée rapide, en partie bloquée au sommet par une énorme pierre.