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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/298

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UN PETIT COL

est ainsi fait — du moins le mien — que l’on semble plus heureux lorsqu’une longue glissade vous sépare de la conclusion du saut final.

Nous traversons la pente sans grands risques, en nous tenant soigneusement, et en traitant la neige nouvelle comme Isaac Walton conseille au pêcheur de traiter la grenouille qu’il est en train d’empaler, « usez-en avec elle comme si vous l’aimiez». Une courte escalade autour et au dessus d’un coin à pic nous porte sur une corniche sûre ; nous nous y asseyons promptement pour reprendre haleine et pour jouir quelques minutes d’une halte bien gagnée. Les feux du sacrifice sont allumés, et Collie, calmé par leur charme reposant, se voit forcé d’admettre que le Ben Nevis lui-même n’a rien de tout à fait pareil à cette rimaye. Un quart d’heure après il prend la tête et escalade sur la gauche un coin particulièrement délicat. Plus loin, une petite aiguille de roc leurre notre rochassier. J’arrive et je trouve qu’elle ne peut être atteinte que du bout des doigts de la main gauche pendant que la main droite est condamnée à imiter « le Juif-Errant » et à rôder haut et bas sur la face du roc. La glace est nettement embarrassante, mais la vue de Hastings, fermement planté sur une large corniche, réchauffe mon courage, je donne un fort élan, et, après quelques soubresauts, j’aborde avec succès sur notre aiguille.

Les rochers deviennent faciles, et nous pouvons dès maintenant voir que notre route est assurée jusqu’à l’arête. Le temps, s’apercevant que nous nous rendons plus ou moins indépendants de ses variations, ne se donne plus la peine de nous ennuyer et éloigne ses nuages, ses bouffées de vent et autres engins de torture, loin là-bas par delà l’Oberland Bernois. Nous pensons que ces circonstances aussi variées que satisfaisantes doivent être