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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/347

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LE BEZINGI VSER

tournants, il était d’ordinaire possible d’amortir la rapidité de son vol et de reprendre l’attitude habituelle des montagnards qui se respectent. La plongée finale sur la surface de la neige fut simplement délicieuse et je rejoignis Zurfluh avec le sentiment que cette journée sans succès n’était pourtant pas sans compensation ; il est hors de doute que la compagnie d’un hardi chasseur de chamois et que l’intérêt des méthodes et des trucs appropriés à ce sport, étaient pour quelque chose dans mes sentiments de satisfaction.

En atteignant notre campement nous trouvons que le Tartare n’est pas encore de retour, et Zurfluh, déprimé par le vide du garde-manger, tombe victime d’une profonde mélancolie. Le Tartare, affirmait-il avec insistance, était tombé dans une crevasse et il était probablement dans ce moment même en train de mourir gelé entre deux murailles de glace. En vain lui faisais-je remarquer que le Tartare avait l’habitude de chasser les « grandes cornes » sur le glacier et qu’il savait, nous l’avions vu à l’œuvre, voir une crevasse cachée avec une facilité que le meilleur alpiniste pouvait lui envier. Malgré cela le décès du Tartare, et comme conséquence l’absence de dîner, restaient dans l’esprit de Zurfluh l’idée dominante et l’ennui et le souci se peignaient sur les rides profondes de sa figure. Pourtant, juste comme la nuit venait, il découvrit sur le glacier un point mouvant ; et à nos cris répondit une voix qui ne semblait en aucun cas devoir appartenir à un mort. À 9 h. soir environ le Tartare arrive, chargé de nombreux morceaux d’agneau, de quelque extraordinaire gâteau de seigle, et d’un grand fagot de bois. Nous attachons une lanterne au toit de la tente, et nous faisons un somptueux repas avec une viande bouillie froide et la plus inacceptable des galettes.