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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/68

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LE CERVIN

Rose ; de mon coin retiré j’entendais, de tous côtés, discuter mes chances de succès ; les plus ardents même négligeaient leur déjeuner pour aller prendre la pose pénible de la lunette et regarder à travers le gros télescope l’Arête de Furggen.

Un grimpeur bien connu a émis un doute, à savoir si la vertu chrétienne de la bonne humeur fait partie du devoir d’un homme avant neuf heures et demie du matin. J’espère qu’il n’en est pas ainsi, sans quoi Venetz et moi aurions devant les yeux « un mauvais quart d’heure » à passer plus tard. Burgener, avec beaucoup de sagesse, s’en alla trouver son lit ; il se libéra ainsi de la discussion par laquelle Venetz et moi nous essayâmes de passer les heures lentes à s’écouler. Avec la fin de la journée, les choses prirent meilleure tournure. Burgener, nous dit-on, allait mieux ; il paraissait même disposé à renouveler notre tentative. Deux caravanes devaient partir par la route du Hörnli à 11 h. soir ; aussi, pour éviter le bruit et l’ennui d’une troupe aussi nombreuse prîmes-nous la décision de ne pas partir avant minuit.

Grâce aux habituels retards, nous ne sommes pas en route avant 12 h. 45 mat., et nous voici encore une fois nous dirigeant vers les pentes où nous avions fait halte la nuit précédente. Pendant que les guides avalent une sorte de déjeuner préparatoire, je suis les curieux mouvements d’une lumière, loin là-bas, sur le Glacier du Gorner. La petite lumière provenait certainement d’une lanterne, mais ses mouvements étaient d’une extraordinaire indécision. Parfois elle allait rapidement dans sa marche sur le glacier, parfois elle s’arrêtait, se dandinait, en haut ou en bas, de-ci et de-là, jouant à cache-cache derrière quelque bloc de rocher ou de glace, reparaissait, et finalement revenait à son point de départ. Ces mouvements se