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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/73

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L’ARÊTE DE FURGGEN

non sans faire observer le désagréable ennui qu’il y avait à être ainsi attiré hors de l’Hôtel du Mont-Rose, peut-être de la table d’hôte elle-même, par un mauvais démon et ses mirmidons. Je fis observera Burgener avec quel dédain et quel mépris le clergé de Zermatt, toujours jaloux de ses bons frères de la vallée de Saas, considérerait sa fuite devant les larges griffes du démon et les ailes noires de l’enfer. Burgener, qui, comme Luther et les premiers chrétiens, avait eu des accointances personnelles avec Sa Majesté Satan, fut d’accord avec moi que ce serait évidemment d’un fâcheux effet, et que, tout bien considéré, la balance l’emportait en faveur d’aller plus avant. Étant le plus sceptique, je fus promu au poste de chef de la caravane.

Soudain, dans le lointain, deux lumières apparaissent. « Les autres caravanes » : m’écriai-je, pensant que la peur des guides serait un peu atténuée par la présence des autres. Mais Burgener et Venetz avaient les « Esprits » en tête et assuraient que ces lumières en étaient encore. Je les forçai à presser le pas et à nous en assurer.

« Comment », crièrent-ils, « mais vous ne savez donc rien des Esprits pour oser tenter pareille chose ? » Burgener, après maintes tentatives de persuasion, consentit à envoyer un jodel dans la nuit, un procédé non sans grand danger — les Esprits n’aiment pas être appelés, — un procédé à n’employer que sans forfanterie et avec timidité — les Esprits n’aiment pas qu’on se moque d’eux. À notre grande satisfaction un joyeux salut nous fut renvoyé, salut dans lequel les guides reconnurent la voix de Peter Taugwalder.

Le scepticisme ayant été grandement fortifié dans la caravane par le plus opportun des renforts nous continuâmes gaiement. Mais voici qu’un grand corps lumineux,