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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/92

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LE COL DU LION

résultat, celui de déterminer une vertigineuse glissade, un long saut par dessus les protubérances de rochers et une chute finale dans la rimaye. Ces considérations nous firent avancer au plus vite tout en gardant aux marches la plus petite taille compatible avec la sûreté du pied. De temps en temps nous nous arrêtions un moment pour regarder là-haut l’arête garnie de soleil, qui nous dominait d’une terrible hauteur, et le long de laquelle les voiles délicats et les banderolles de vapeurs s’enroulaient. Pourrions-nous jamais l’atteindre ? Les farouches murailles du Cervin et de la Tête du Lion nous rejetteraient dans le couloir, et là, beaucoup au dessus, des rochers noirs surplombaient, coupant la neige et paraissant barrer tout passage au delà. Il nous semblait presque impossible de monter là-haut, et il y avait plus qu’une pointe d’anxiété dans ces mots de Burgener : « Wir müssen, Herr Mommerie, sonst sind wir beide caput. » « Faut arriver, Monsieur Mommeri, sans quoi nous sommes tous deux fichus. »

En attendant, le contact occasionnel de ses doigts avec la pente de glace — chose inévitable quand on entaille des pentes rapides — commençait à faire souffrir sévèrement mon compagnon. Comme ce travail devait être évidemment très long, il fut jugé préférable que les doigts les moins précieux fussent sacrifiés à ce procédé de marche. En conséquence, je pris alors la tête. Parfois encore la neige redevenait mince et de lourds coups de piolets étaient nécessaires pour couper la glace ; mais pourtant à mesure que nous avancions le travail devenait moindre et à la fin une simple entaille du piolet suivie d’un bon coup de botte ferrée suffisait pour faire une marche convenable. Nous avançons enfin, rapidement et facilement, vers le pied des rochers dont il a été parlé plus haut et