Aller au contenu

Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/94

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
48
LE COL DU LION

Le piolet de Burgener venait de se briser !

À la moitié d’un couloir de glace de six cents mètres de haut, entre nous et l’impuissance absolue, un seul piolet demeure. Je me détache, je lie soigneusement mon piolet à la corde et l’envoie ainsi à Burgener. Mais la corde refusa de revenir à ma portée et j’eus le plaisir de continuer l’ascension des vingt-cinq mètres restant sans son aide morale et, ce qui était pire, sans le moindre piolet. Quand j’eus rejoint Burgener, l’arme brisée me fut remise. Nous étions maintenant au niveau supérieur de la protubérance rocheuse et nous pouvions voir que, sur sa pointe la plus élevée, venait s’appuyer un long ruban de neige venu d’en haut. Une fois sur cette neige il semblait que nos progrès pourraient être comparativement aisés, bien que, comme le montra Burgener par le simple expédient d’y jeter un morceau de glace, elle fut de cette mauvaise et détestable qualité que les guides appellent « pulvcrischen » « la neige poudreuse ». Comme d’autre part elle était au plus fort angle de pente compatible avec sa stabilité, il était évident que nous aurions à placer en la Providence plus de confiance qu’on ne croit nécessaire de le faire en ces temps de peu de foi. Pourtant la réelle difficulté était encore d’arriver à cette bande de neige. J’ai déjà expliqué que la protubérance rocheuse nous avait forcés de nous diriger sur une sorte de trou demi-circulaire, sans issue. Quelques pieds au dessus, la glace que nous avions entaillée se terminait en s’amincissant contre les surplombs rocheux, alors que la traversée jusqu’à la neige exigeait le passage d’un mur presque perpendiculaire et profondément verglassé. Cette traversée de trois mètres ou plus semblait presque impossible. Et, une fois dans sa vie, Burgener proposa de battre en retraite. Nous aurions tous deux, incontinent, redes-