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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/316

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crois de votre avis, que je partage entièrement ; je ne comprends même pas qu’on ait tant hésité : le témoignage de mademoiselle Brun me semble concluant.

Je ne suis point allé à la Chambre des pairs, pour entendre la défense du prince Louis. C’est encore un de mes regrets ; mais, à vous dire vrai, je ne peux pas me faire à cette mode d’écouter un plaidoyer comme un opéra. Berryer dit à une Chambre qui devrait être le premier corps de l’État qu’ils ont tout trahi, tout abandonné, tout trompé, et tout cela, comme vous le dites, pour de l’or et des places, et messieurs les pairs crient bravo ! comme s’ils entendaient chanter Rubini. — C’est admirable !

Oui, madame, vous avez bien raison de vous féliciter d’être femme. Je tombe d’accord de tout ce que vous dites là-dessus, et même des dix années indevinables. Permettez-moi pourtant une observation : il vous sied de parler ainsi, parce que vous êtes femme, réellement femme, que vous avez fait un noble et bon usage de votre vie et de vos facultés ; mais accordez-moi aussi qu’il y a peu, bien peu de pareils courages ; et certes, parmi les hommes, ceux qui ont vécu hardiment ont aussi des souvenirs, moins doux, c’est vrai, moins calmes, mais tout aussi profonds. En somme, il me semble que la différence des sexes n’est pas l’important, mais plutôt la différence des êtres. La vie vulgaire, petite et étroite, que mènent les trois quarts et demi des gens qui croient vivre, détruit le peu que chacun aurait