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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/322

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XIX

À SA MARRAINE, À VERSAILLES.


J’ai grogné tout mon soûl ; mais je ne veux pas écrire à cette personne féroce. Non, je ne le veux pas. Ainsi, puisqu’il y a, à Versailles, un beau grand démon et un joli petit génie encore moins méchant qu’il n’est gros, tant pis pour le petit, car il faut que j’écrive.

Dites-moi, marraine, concevez-vous quelque chose de plus inhumain que cette personne ? Elle me dit qu’elle a de l’amitié pour moi. — Moi, imbécile, je le crois bonnement. Je lui répète dans une demi-douzaine de lettres qu’elle est une des personnes du monde que j’aime le plus. — Elle me répond « Venez. » — J’arrive, par la rive gauche, au péril de ma vie, et là-dessus, pour une méchante plaisanterie que je fais à table, — plaisanterie à laquelle vous même n’avez pas fait la moindre attention, — elle me cherche une querelle d’Allemand, ou plutôt de Patagon, au milieu d’une partie d’échecs, que je perds, bien entendu. Elle voit qu’elle me fait une peine affreuse, et alors la voilà qui se met à me frapper à grands coups de bâton sur la tête, avec son charmant sourire, entre ses deux fossettes, et des regards à me donner la migraine. Non ! il