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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/39

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lités plus rares d’un grand caractère[1]. Clouée dans son fauteuil par une maladie incurable dont elle ne parlait jamais, toujours occupée des autres au milieu de souffrances incessantes, cette femme courageuse n’existait plus que par le cœur et l’intelligence. Sa vie était un exemple continuel de patience et de résignation, et cet exemple ne fut pas sans exercer quelque influence sur le garçon le plus impatient du monde. Elle avait une très petite cour composée de jeunes femmes et d’amis intimes, qui venaient chez elle pour la distraire et la consoler ; mais on ne publiait pas tout ce qu’elle prodiguait aux autres d’encouragements et de consolations. Alfred de Musset demeurait dans le voisinage de la duchesse de Castries et la voyait très souvent : « Quand j’ai besoin de courage, disait-il en parlant d’elle, je sais où on en tient. » La duchesse lisait beaucoup ; elle était au courant de toutes les nouveautés littéraires, qu’elle jugeait par elle-même, en grande dame, avec un goût pur, même un peu sévère, et des arrêts parfaitement motivés. — Le jour de la première représentation du Caprice, elle se fit porter à la Comédie-Française. — Malgré son âge et ses infirmités, elle survécut au poète qu’elle avait aimé comme un fils. Celle-là, du moins, resta toujours fidèle à sa prédilection. Jamais elle n’aurait souffert qu’on parlât mal d’Alfred de Musset devant elle, et jamais on ne la vit tomber dans les travers de l’engouement pour des esprits médiocres, — tristes démentis que les femmes se donnent trop souvent à elles-mêmes. — Mais revenons au pauvre Gilbert.

  1. Elle était demoiselle de Maillé et nièce du duc de Fitz-James.