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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/48

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et Rodolphe. La marraine ne se contentait pas de si peu ; elle écrivit à son filleul pour lui demander d’où venait cet accès de paresse, car elle n’était point dans la confidence des grandes douleurs que l’arrivée de M. Charpentier devait bientôt calmer. Sans donner toutes les raisons de son silence, Alfred répondit par le conte de Silvia. Dans le volume de Boccace où il avait puisé le sujet de ce petit poème, il remarqua celui de Simone qu’il imita quelques mois plus tard. Un soir, au Théâtre-Français, la Muse fantasque vint l’agacer en lui montrant le cou blanc d’une belle jeune fille et lui souffler les vers sur une Soirée perdue. La moitié de ces vers était déjà faite lorsqu’il revint à la maison pour les écrire. Il trouvait un charme particulier dans ces petites compositions, précisément parce qu’elles ne sentaient pas le travail et qu’elles changeaient en poésie les impressions passagères, les rencontres et l’imprévu. Pendant l’hiver de 1841, une de ces rencontres fortuites, qui le frappa plus vivement que les autres, produisit le Souvenir, qu’il considérait comme une de ses meilleures inspirations et qu’il mettait au niveau des Nuits. Le succès de ce morceau ne répondit pas à son attente, et il en fut assez contrarié pour s’en plaindre à son ami Tattet et à son frère, seules personnes auxquelles il ait jamais fait des confidences de ce genre. Après la publication du Souvenir, il prit la résolution de se taire pendant quelque temps, non par lassitude ou par défaillance, mais parce qu’il lui venait de plusieurs côtés à la fois des sujets de chagrin et de mécontentement.

Certes, la critique, il y a vingt-cinq ans, n’était pas plus avare de louanges qu’aujourd’hui ; elle les distribuait avec