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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/18

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Laurette.

Je ne l’ai pas vu.

Razetta.

Comment ? Tu es cependant princesse d’Eysenach ?

Laurette.

Vous ne connaissez pas l’usage de ces cours. Un envoyé du prince, le baron Grimm, son secrétaire intime, est arrivé ce matin.

Razetta.

Je comprends. On a placé ta froide main dans la main du vassal insolent, décoré des pouvoirs du maître ; la royale procuration, sanctionnée par l’officieux chapelain de Son Excellence, a réuni aux yeux du monde deux êtres inconnus l’un à l’autre. Je suis au fait de ces cérémonies. Et toi, ton cœur, ta tête, ta vie, marchandés par entremetteurs, tout a été vendu au plus offrant ; une couronne de reine t’a faite esclave pour jamais ; et cependant ton fiancé, enseveli dans les délices d’une cour, attend nonchalamment que sa nouvelle épouse…

Laurette.

Il arrive ce soir à Venise.

Razetta.

Ce soir ? Ah vraiment ! voilà encore une imprudence de m’en avertir.

Laurette.

Non, Razetta ; je ne puis croire que tu veuilles ma perte ; je sais qui tu es et quelle réputation tu t’es faite