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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/248

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La Gouvernante.

Seigneur ! n’en dites rien.

Elsbeth.

J’ai peu connu la vie, et j’ai beaucoup rêvé.

La Gouvernante.

Si le prince de Mantoue est tel que vous le dites, Dieu ne laissera pas cette affaire-là s’arranger, j’en suis sûre.

Elsbeth.

Tu crois ! Dieu laisse faire les hommes, ma pauvre amie, et il ne fait guère plus de cas de nos plaintes que du bêlement d’un mouton.

La Gouvernante.

Je suis sûre que si vous refusiez le prince, votre père ne vous forcerait pas.

Elsbeth.

Non, certainement, il ne me forcerait pas ; et c’est pour cela que je me sacrifie. Veux-tu que j’aille dire à mon père d’oublier sa parole, et de rayer d’un trait de plume son nom respectable sur un contrat qui fait des milliers d’heureux ? Qu’importe qu’il fasse une malheureuse ? Je laisse mon bon père être un bon roi.

La Gouvernante.

Hi ! hi !

Elle pleure.
Elsbeth.

Ne pleure pas sur moi, ma bonne ; tu me ferais peut-être pleurer moi-même, et il ne faut pas qu’une royale fiancée ait les yeux rouges. Ne t’afflige pas de