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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/337

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place dans leurs processions lugubres, et tu te serres contre ces corps décharnés avec une crainte religieuse, lorsque tu vois passer un homme. Es-tu sûre que si l’homme qui passe était celui qui les a trompées, celui pour qui elles pleurent et elles souffrent, celui qu’elles maudissent en priant Dieu, es-tu sûre qu’en le voyant elles ne briseraient pas leurs chaînes pour courir à leurs malheurs passés, et pour presser leurs poitrines sanglantes sur le poignard qui les a meurtries ? Ô mon enfant ! sais-tu les rêves de ces femmes qui te disent de ne pas rêver ? Sais-tu quel nom elles murmurent quand les sanglots qui sortent de leurs lèvres font trembler l’hostie qu’on leur présente ? Elles qui s’assoient près de toi avec leurs têtes branlantes pour verser dans ton oreille leur vieillesse flétrie, elles qui sonnent dans les ruines de ta jeunesse le tocsin de leur désespoir, et font sentir à ton sang vermeil la fraîcheur de leurs tombes, sais-tu qui elles sont ?

Camille.

Vous me faites peur ; la colère vous prend aussi.]

Perdican.

Sais-tu ce que c’est que des nonnes, malheureuse fille ? Elles qui te représentent l’amour des hommes comme un mensonge, savent-elles qu’il y a pis encore, le mensonge de l’amour divin ? Savent-elles que c’est un crime qu’elles font, de venir chuchoter à une vierge des paroles de femme ? Ah ! comme elles t’ont fait la leçon ! Comme j’avais prévu tout cela quand tu t’es