Aller au contenu

Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Comédies I.djvu/77

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pas défendu, je ne t’aurais pas disputé ma vie. Pourquoi m’as-tu confié la sienne ?

Spinette.

Ne cesserez-vous pas, ma chère maîtresse, de prier et de pleurer ainsi ? Vos yeux sont gonflés de larmes, et depuis deux jours vous n’avez pas pris un moment de repos.

Lucrèce, priant.

L’ai-je accomplie, ta fatale mission ? ai-je sauvé son âme en me perdant pour lui ? Si tes bras sanglants n’étaient pas cloués sur ce crucifix, ô Christ, me les ouvrirais-tu ?

Spinette.

Je ne puis me retirer. Comment vous laisser seule dans l’état où je vous vois ?

Lucrèce.

Le puniras-tu de ma faute ?] Ce n’est pas lui qui est coupable ; il n’a prononcé aucun serment sur la terre ; il n’a pas trahi son épouse ; il n’a point de devoirs, point de famille ; il n’a rien fait qu’aimer et qu’être aimé.

[Spinette.

Onze heures vont sonner.

Lucrèce.

Ah ! Spinette, ne m’abandonne pas ! mes larmes t’affligent, mon enfant ? Il faut pourtant bien qu’elles coulent.] Crois-tu qu’on perde sans souffrir tout son repos et son bonheur ? Toi qui lis dans mon cœur comme dans le tien, toi qui pour qui ma vie est un livre ouvert