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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/100

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bien reçu, quoiqu’il y arrivât quelquefois couvert de plâtre et de poussière ; car, en dépit des ans et de ses vingt mille livres, il ne pouvait se tenir de grimper sur les toits et de manier la truelle. Quand il avait bu quelques coups de champagne, il fallait qu’il pérorât au dessert. — Vous êtes heureux, mon neveu, disait-il souvent au chevalier : vous êtes riche, jeune, vous avez une bonne petite femme, une maison pas trop mal bâtie ; il ne vous manque rien, il n’y a rien à dire ; tant pis pour le voisin s’il s’en plaint. Je vous dis et répète que vous êtes heureux.

Un jour, Cécile, entendant ces mots, et se penchant vers son mari : — N’est-ce pas, lui dit-elle, qu’il faut que ce soit un peu vrai, pour que tu te le laisses dire en face ?

Madame des Arcis, au bout de quelque temps, reconnut qu’elle était enceinte. Il y avait derrière la maison une petite colline d’où l’on découvrait tout le domaine. Les deux époux s’y promenaient souvent ensemble. Un soir qu’ils y étaient assis sur l’herbe :

— Tu n’as pas contredit mon oncle l’autre jour, dit Cécile. Penses-tu cependant qu’il eût tout à fait raison ? Es-tu parfaitement heureux ?

— Autant qu’un homme peut l’être, répondit le chevalier, et je ne vois rien qui puisse ajouter à mon bonheur.

— Je suis donc plus ambitieuse que toi, reprit Cécile, car il me serait aisé de te citer quelque chose