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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/172

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prochant de son frère, parce que nous allons passer devant l’avenue de Renonval, et que ta jument est sujette à caracoler quand elle voit la grille. Heureusement, ajouta-t-il en riant, et de plus belle, que madame de Vernage est là, et que tu trouveras chez elle ton couvert mis, si Gitana te casse une jambe.

— Mauvaise langue, dit Tristan souriant à son tour un peu à contre-cœur, qu’est-ce qui pourra donc te déshabituer de tes méchantes plaisanteries ?

— Je ne plaisante pas du tout, reprit Armand ; et quel mal y a-t-il à cela ? Elle a de l’esprit, cette marquise ; elle aime le passe-poil, c’est de son âge. N’as-tu pas l’honneur d’être au service du roi dans le régiment des hussards noirs ? Si, d’une autre part, elle aime aussi la chasse, et si elle trouve que ton cor fait bon effet au soleil sur ta veste rouge, est-ce que c’est un péché mortel ?

— Écoute, écervelé, dit Tristan. Que tu badines ainsi entre nous, si cela te plaît, rien de mieux ; mais pense sérieusement à ce que tu dis quand il y a un tiers pour l’entendre. Madame de Vernage est l’amie de notre mère ; sa maison est une des seules ressources que nous ayons dans le pays pour nous désennuyer de cette vie monotone qui t’amuse, toi, avocat sans causes, mais qui me tuerait si je la menais longtemps. La marquise est presque la seule femme parmi nos rares connaissances…

— La plus agréable, ajouta Armand.