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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/190

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Madame de Vernage, qui, tout à l’heure, n’avait pas dit un mot pour essayer de retenir Tristan, se voyant ainsi priée de le faire, y mit aussitôt toute l’insistance et toute la bonne grâce dont elle était capable. Elle prit son plus doux regard et son plus doux sourire pour dire à Tristan qu’il se moquait, qu’il n’avait point d’affaires à Paris, que la curiosité d’une chasse au tonkin devait l’emporter sur tout au monde ; qu’enfin elle le priait officiellement de venir déjeuner le lendemain à Renonval. Tristan répondait à chacun de ses compliments par un de ces petits saluts insignifiants qu’ont inventés les gens qui ne savent quoi dire : il était clair que sa patience était mise à une cruelle épreuve. Madame de Vernage n’attendit pas un refus qu’elle prévoyait, et, dès qu’elle eut cessé de parler, elle se retourna et s’occupa d’autre chose, exactement comme si elle eût répété une comédie et que son rôle eût été fini.

— Que signifie tout cela ? se disait toujours Armand. Quel est celui qui en veut à l’autre ? Est-ce mon frère ? est-ce la Bretonnière ? Que vient faire ici la marquise ?

La façon d’être de madame de Vernage était, en effet, difficile à comprendre. Tantôt elle témoignait à Tristan une froideur et une indifférence marquées ; tantôt elle paraissait le traiter avec plus de familiarité et de coquetterie qu’à l’ordinaire. — Cassez-moi donc cette branche-là, lui disait-elle ; cherchez-moi du muguet. J’ai du monde ce soir, je veux être toute en fleurs ; je