Aller au contenu

Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/207

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

assez pour prouver clairement que rien de sérieux n’a pu se passer entre Saint-Aubin et toi ? Certes, deux amis qui, pour se divertir, font un pareil cadeau à une femme qu’ils se disputent, ne sont pas bien en colère l’un contre l’autre, et il devient alors évident…

— Oui, tout cela est très bien, dit Tristan ; ta tête va plus vite que la mienne ; mais pour exécuter cette grande entreprise, ne vois-tu pas qu’avant de retrouver ce bracelet si précieux, il faudrait commencer par retrouver Javotte ? Malheureusement ces deux découvertes semblent également difficiles. Si, d’un côté, la jeune personne est sujette à perdre ses nippes, elle est capable, d’une autre part, de s’égarer fort elle-même. Chercher, après un an d’intervalle, une grisette perdue sur le pavé de Paris, et, dans le tiroir de cette grisette, un gage d’amour fabriqué en métal, cela me paraît au-dessus de la puissance humaine ; c’est un rêve impossible à réaliser.

— Pourquoi ? reprit Armand ; essayons toujours. Vois comme le hasard, de lui-même, te fournit l’indice qu’il te fallait ; tu avais oublié ce bracelet ; il te le met presque devant les yeux, ou du moins, il te le rappelle. Tu cherchais un témoin, le voilà, il est irrécusable ; ce bracelet dit tout, ton amitié pour Saint-Aubin, son estime pour toi, le peu de gravité de l’affaire. La Fortune est femme, mon cher ; quand elle fait des avances, il faut en profiter. Penses-y, tu n’as que ce moyen d’imposer silence à madame de Vernage ; mademoiselle