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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/339

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Neauflette ; vous êtes amoureux de mademoiselle d’Annebault…

— Madame, qui a pu vous dire ?…

— Oh ! je vous préviens que je suis fort à craindre. Quand la mémoire me manque, je devine. Vous êtes parent de l’abbé Chauvelin, et refusé pour cela, n’est-ce pas ? Où est votre placet ?

— Le voilà, madame ; mais, en vérité, je ne puis comprendre…

— À quoi bon comprendre ? Levez-vous, et mettez votre papier sur cette table. Je vais répondre au roi ; vous lui porterez en même temps votre demande et ma lettre.

— Mais, madame, je croyais vous avoir dit…

— Vous irez. Vous êtes entré ici de par le roi, n’est-il pas vrai ? Eh bien ! vous entrerez là-bas de par la marquise de Pompadour, dame du palais de la reine.

Le chevalier s’inclina sans mot dire, saisi d’une sorte de stupéfaction. Tout le monde savait depuis longtemps combien de pourparlers, de ruses et d’intrigues la favorite avait mis en jeu, et quelle obstination elle avait montrée pour obtenir ce titre, qui, en somme, ne lui rapporta rien qu’un affront cruel du Dauphin. Mais il y avait dix ans qu’elle le désirait ; elle le voulait, elle avait réussi. M. de Vauvert, qu’elle ne connaissait pas, bien qu’elle connût ses amours, lui plaisait comme une bonne nouvelle.

Immobile, debout derrière elle, le chevalier obser-