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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Nouvelles et Contes II.djvu/57

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la pluie qui nous inondait ; à peine avait-il sur le corps assez de plumes pour habiller un moineau, et il était plus gros que moi. Il me sembla, au premier abord, un oiseau tout à fait pauvre et nécessiteux ; mais il gardait, en dépit de l’orage qui maltraitait son front presque tondu, un air de fierté qui me charma. Je lui fis modestement une grande révérence, à laquelle il répondit par un coup de bec qui faillit me jeter à bas de la gouttière. Voyant que je me grattais l’oreille et que je me retirais avec componction sans essayer de lui répondre en sa langue :

— Qui es-tu ? me demanda-t-il d’une voix aussi enrouée que son crâne était chauve.

— Hélas ! monseigneur, répondis-je (craignant une seconde estocade), je n’en sais rien. Je croyais être un merle, mais l’on m’a convaincu que je n’en suis pas un.

La singularité de ma réponse et mon air de sincérité l’intéressèrent. Il s’approcha de moi et me fit conter mon histoire, ce dont je m’acquittai avec toute la tristesse et toute l’humilité qui convenaient à ma position et au temps affreux qu’il faisait.

— Si tu étais un ramier comme moi, me dit-il après m’avoir écouté, les niaiseries dont tu t’affliges ne t’inquiéteraient pas un moment. Nous voyageons, c’est là notre vie, et nous avons bien nos amours, mais je ne sais qui est mon père. Fendre l’air, traverser l’espace, voir à nos pieds les monts et les plaines, respirer l’azur