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Page:Musset - Biographie d’Alfred de Musset, sa vie et ses œuvres.djvu/181

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heure, et que la poésie n’y perdrait rien. Alfred partit, à mon grand regret ; il revint fort tard à la maison, la tête fatiguée. Je lui demandai le lendemain où en était la Nuit de juin. Il me répondit que le mois avait trente jours ; mais, comme il sentait bien que la muse offensée ne voulait pas redescendre, il prit son chapeau et s’en alla chez Bernerette. L’occasion avait passé, et la Nuit de juin en resta là. Aujourd’hui, en regardant cette grande page blanche retrouvée dans les papiers de l’auteur et jaunie par le temps, en relisant le titre et les quatre vers autographes, je ne puis encore en prendre mon parti, ni me résigner à croire que cette page ne se remplira jamais.

Il y a pourtant une compensation à cette perte. Alfred, enrôlé tour à tour dans les deux bandes joyeuses que dirigeaient son ami Tattet et le prince Belgiojoso, s’arrêta, un matin, en disant que c’était assez de dissipation. Il se comparait lui-même à une balle du jeu de paume renvoyée d’une raquette à l’autre, et déjà il croyait faire acte d’indépendance en rentrant au logis maternel. Il y rapportait une provision d’impressions nouvelles, et par conséquent de nouvelles idées. Il mit sa robe de chambre, s’assit dans son fauteuil et se chapitra lui-même mieux que ne l’eût pu faire un père ou un oncle. De ce dialogue muet sortit la scène entre Valentin et le bonhomme Van Buck, et ensuite la pièce en trois actes : Il ne faut jurer de rien. C’est ainsi que, dans la vie d’un